Un poème pour la fête des mères. Un autre pour l’anniversaire de ma grand-mère. Je m’en souviens vaguement : il y était question de couleurs. Tout a commencé comme ça.
Petite fille, j’étais envahie par les mots. Sur le chemin de l’école, ils défilaient dans ma tête, menant leur existence propre et racontant mes faits et gestes. Comme si j’étais en permanence la narratrice de ma propre vie. Et je vivais en quelque sort dans un roman auto-écrit.
Puis l’adolescence. Foisonnement de poèmes, que je rédigeais fébrilement, assise par terre un casque sur la tête, saoulée de musique et de rimes. A 16 ans, je rassemble les meilleurs d’entre eux dans un recueil, « l’échappée belle » puis un autre, « diablerie ». La démarche aboutit à une correspondance suivie avec un éditeur de poésie mais, assez vite, le tout m’ennuie et je me lance dans un autre exercice : la nouvelle. Je découvre ce genre littéraire grâce à la ville de Nemours, qui organise un concours sur le thème de « la nuit », à destination des moins de 25 ans . Je remporte un prix avec mon texte « Nuit blanche » : on me remet un chèque en carton (mais non en bois !), que je soulève entre mes bras fiers. 1000 francs. A 16 ans, une fortune !
Et puis c’est l’université : je m’inscris à la fac de lettres sans projet professionnel. J’y découvre trois choses :
- les grenouilles en papier,
- la course à pied,
- la pratique quotidienne de l’écriture
Des premières, je fis des familles entières, découpant et pliant au fond des amphis.
Je pratique toujours la seconde. Quant à la troisième, elle m’a occupé des mois.
A l’origine, il s’agissait seulement d’un processus expérimental, devant me permettre de traiter le sujet de dissertation suivant :
« écrire sur soi, est-ce nécessairement être sincère ? »
J’ai noirci des pages et des pages, soir après soir, dans la petite chambre bleue chez mes grands-parents qui m’hébergeaient. J’ai longtemps gardé cette habitude, bien après la note de dissertation, bien après la fac : déverser mon ressenti en pattes de mouches précipitées et froisser les feuilles presque aussitôt, sans jamais relire.
Puis le temps a passé. J’ai eu 20 ans, 30 ans. Les poèmes sont revenus, et l’envie sourde d’aller plus loin, d’aller quelque part en fait. Construire un univers.
Pourquoi pas un roman ?
Voilà que je jette des idées en pagaille sur des blocs indéchiffrables ; je commence cinquante projets et n’en termine aucun. Il me manque une motivation profonde, durable surtout.
Un jour d’automne, sur la tranche d’un coffret-cadeau, j’aperçois ces quelques mots :
« Devenez testeur de rêves »
L’expression me fascine. J’entrevois différents scénarios :
- un futur proche où les gens peuvent se faire implanter directement dans le cerveau les rêves et cauchemars de leur choix,
- une entreprise dont les employés sont rémunérés pour tester des activités ludiques,
- un monde où règnent les Hyper-Heureux, qui affichent leur bonheur dans des catalogues d’existences idéales
Pourquoi choisir ? Il y aura trois romans : Vendeurs de rêves, Testeurs de rêves et Briseurs de rêves !
Alea jacta est !